Par Hazal Atay
La crise sanitaire de COVID-19 a révélé de nombreux défis concernant l’accès aux services d’interruption volontaire de grossesse (IVG). Dans le contexte de la pandémie, les politiques publiques d’IVG en France ont changé à de nombreuses reprises. En avril 2020, la France a autorisé l’IVG par téléconsultation jusqu’à 7 semaines de grossesse (9 semaines d’aménorrhée). La mesure a été adoptée pendant le confinement national s’étendant du 17 mars 2020 au 11 mai 2020. Elle fut abandonnée en juillet, pour être adoptée de nouveau en novembre, alors que la crise sanitaire empirait. L’usage de la téléconsultation pour les services d’IVG a depuis été étendu jusqu’à septembre 2021. Dans notre article, nous avons analysé les effets de ces mesures et examiné les motivations qui conduisent à l’usage de la téléconsultation pour l’IVG par le biais de données obtenues par l’organisation Women on Web (WoW), un service d’IVG par téléconsultation Canadien.
Nous avons mené une étude convergente parallèle à méthode mixte croisant les données des 809 consultations reçues par WoW de la France entre le 1 janvier 2020 et le 31 décembre 2020. Notre étude montre que les confinements en 2020 ont poussé les femmes à utiliser davantage la téléconsultation pour recourir à une IVG. Cependant, les motivations pour l’usage de la téléconsultation dans le cadre de l’IVG médicamenteuse vont au-delà des conditions uniques de la pandémie. Les besoins et les préférences en matière de confidentialité (46,2%), d’intimité (38,3%) et de confort (34,9%), suivis par la pandémie du Coronavirus (30,6%) étaient parmi les raisons les plus fréquentes des choix des patientes de recourir à l’IVG par téléconsultation par le biais de Women on Web en France. Les fréquences observées sont similaires parmi les consultations liées au covid et celles sans rapport avec la pandémie du covid-19.
On a observé que les individus se heurtent encore à des contraintes de type global, individuel ou liées aux fournisseurs de soins dans l’accès à l’IVG en France. L’étude montre que les jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans ont deux fois plus de risque d’être stigmatisées et de rencontrer des difficultés financières dans leur parcours d’avortement que les femmes de 36 ans et plus. Elles sont d’autre part deux fois plus à même de préférer l’autonomie de l’IVG par téléconsultation.
Nos résultats suggèrent que l’utilisation de la télémédecine pour l’IVG peut aider à mieux répondre aux besoins et aux préférences des patientes en matière de confidentialité, d’intimité et de confort, tout en facilitant un meilleur accès à l’IVG ainsi qu’un parcours de l’avortement plus centré sur les patientes. Étant donné l’inégalité générale d’accès à l’IVG suivant toutes ces contraintes, notre étude suggère que la téléconsultation permet d’étendre l’accès à l’IVG dans les espaces isolés et pour les personnes les plus vulnérables. Étendre l’IVG par téléconsultation au-delà de la pandémie et adopter un modèle hybride offrant à la fois des IVG en cliniques et par téléconsultation peut aider à mieux répondre aux besoins et aux préférences des femmes, à améliorer la qualité des soins ainsi que l’accès à l’IVG en France.
Hazal Atay est doctorante en sciences politiques à Sciences Po Paris, France. Actuellement, elle travaille en tant qu’assistante de recherche pour le projet « IVG par téléconsultation en France » au Laboratoire d’évaluation interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP). Son travail se porte principalement sur la formation de politiques publiques sur les droits des femmes, avec un accent particulier sur la santé et les droits sexuels et reproductifs.